Il s’est passé des trucs cette semaine.

Je ne reviendrai pas dessus aujourd’hui : mariage, décès, procès et autres évènements ne sauraient venir piétiner la vraie information du moment : cette semaine, nous avons vécu dans la joie et la bonne humeur la journée contre les violences éducatives. Nul doute que tous et toutes avez célébré l’évènement en ne battant pas comme plâtre votre neveu à l’aide d’un tison, mais il serait bien inconvenant de ne pas parler de la formidable campagne lancée à cette occasion par la Fondation Pour l’Enfance : un spot publicitaire visant à sensibiliser les parents sur les « violences éducatives« .

Pour celles et ceux qui seraient au bureau et qui ne voudraient pas se faire attraper par leur supérieur en pleine glandouille, je vous propose un résumé textuel de la chose qui par sa discrétion saura préserver la fragile intimité de votre open-space, aidé en cela par le script du spot disponible dans le dossier de presse qui va bien :

Une petite fille de 8 ans prend son goûter dans le salon d’un petit appartement, le tout en dessinant dans un carnet. Alors qu’elle fait d’incroyables moulinets du bras, probablement car en train de dessiner d’énormes kikis (les enfants sont facétieux), elle renverse très naturellement son verre d’une mystérieuse boisson brunâtre (du slim-fast : on est jamais anorexique trop tôt), entachant ainsi de son contenu la nappe innocente qui se trouvait là. Voyant son précieux bien sali, la mère de famille a une réaction bien normale : défoncer la gueule de sa fille d’une bonne claque dans la margoulette, avant de s’atteler à réparer les dégâts.

Encaissant fort mal le soufflet, la jeune fille éclate en sanglot sous les yeux de sa grand-mère qui a assisté à toute la scène puisque traînant dans le coin. Cette dernière s’empresse donc d’aller réconforter, non pas sa petite fille en pleurs (nan mais quelle vieille peau !) mais bien sa fille en la prenant dans ses bras avant de lui susurrer  »Pardon…« .

"Aloooooors que l'on reeeeevoit l'action au ralenti, supeeeeerbe !"

Apparaissent alors à l’écran les messages suivants :

« Des parents qui battent ont souvent été des enfants battus« 

« Éduquons sans violence« 

« Fondation pour l’enfance« 

Et donc fin.

On remercie donc bien fort les auteurs de ce clip et de ces messages pour leur subtilité, puisque comme chacun sait : la violence, c’est pas bien, et les enfants sont des êtres gentils et mignons. Car il est vrai que bien des gens s’exclameront « Misère, une claque pour un verre renversé, quelle violence ! Il est vrai que c’est scandaleux. ». C’est même exactement pour cette raison que les enseignants n’ont pas le droit aux châtiments corporels, tant l’instruction et l’éducation ne doivent laisser la place à la violence. L’enfant peut être raisonné autrement, par le dialogue, pour comprendre ce qu’il en est, et doit être entouré d’amour et de…

… tiens ? Je viens de voir passer un poney multicolore vomissant de la barbe-à-papa. Curieux.

Non allez, sérieusement, qu’est-ce que c’est que ce message pourri ? Déjà, notons la beauté de la chose : une claque = enfant battu. Tous les parents qui ont un jour mis une torgnolle à leur enfant, ou pire, une fessée, sont des ordures qui méritent une descente du GIPN chez eux. Et le clip, évidemment, souligne bien jusque dans son script que l’enfant « ne fait pas exprès » de renverser son verre : les enfants étant des créatures innocentes, il ne faut pas les toucher, c’est très vilain. C’est important de dire que tout est toujours tout blanc ou tout noir. D’ailleurs, les enfants battus eux-mêmes apprécieront la légèreté de ce message :

« Moi j’ai pris une claque parce que j’ai traité ma mère de pétasse.
- Moi j’ai été fouetté avec du fil de fer barbelé pour avoir oublié de mettre les bières de papa au frais.
- Ouais, on est tous les deux des victimes de parents abusifs ! »
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Il faut dire que niveau message, la conférence de presse de la Fondation pour l’Enfance faisait là aussi dans l’invitation de personnalités reconnues pour la subtilité de leurs propos respectifs ; je cite le dossier de l’organisation elle-même :

- Le docteure Jacqueline CORNET, auteur de « Faut-il battre les enfants ?« 

Vivement la suite : « Dois-je plonger mon chien dans l’acide ? » et « Tuer mon voisin à coups de sécateur, est-ce bien raisonnable ?« . D’ailleurs, derrière cet article se cache une étude dont nous avions déjà parlé dans un précédent billet, dans lequel Jacqueline CORNET faisait la corrélation entre les fessées et les claques reçues durant l’enfance et le nombre de maladies et d’accidents subis par la suite. Non, ce n’est pas une blague : visiblement, vous collez une torgnolle à un morveux, et hop ! Ses globules blancs, humiliés, refusent de combattre les infections (les globules blanc ont leur petit honneur de leucocytes : jusqu’en 1837, nombre d’entre eux s’organisaient des duels au mousquet dans la moelle osseuse pour venger leur réputation salie), et derrière, vous le foutez en l’air : de temps à autres, sur la route, votre marmot aura des flashbacks de fessées, ce qui, encombrant son champ de vision (il ne verra qu’un cul rougi à la place du 36 tonnes qui arrive en face), l’amèneront plus facilement à subir des accidents. Quelle ne sera pas la surprise des urgentistes lorsque découvrant l’accidenté, ils constateront qu’en sus de perdre du sang, ses globules se sont organisé des combat au fleuret pour passer le temps. Et je vous passe le moment où ils verront en plus le docteur Cornet débarquer sur place pour tenter de peaufiner son étude : « Houhou ! Monsieur ! Monsieur ! Je sais que vous êtes en train de mourir suite à cet accident, mais j’aimerais savoir : quelqu’un vous a déjà fessé étant petit ?« .

"Vin ! Encore un flashback de fessée, c'est ça ? Dur !"

- Monsieur Olivier MAUREL, auteur de « Oui, la nature humaine est bonne ! Comment la violence éducative ordinaire la pervertit depuis des millénaires » (Robert Laffont, 2009)

En effet, après étude de plusieurs milliers d’années de témoignages (soit ce mec a une Delorean, soit il est le seul à avoir chez lui des tablettes grecques dans lesquelles on explique que « Lacédémon est devenu très méchant depuis qu’Olympos lui a collé un pan sur le cul ; je crois qu’il est parti fonder Sparte, une cité d’hommes en slip qui ne craindront ni claques, ni fessées », soit, dernière option, il pipeaute un peu). Donc, oui, les guerres, les massacres, la xénophobie, les bûchers, tout ça, c’est la faute des claques et des fessées. C’est connu : les enfants qui ne ramassent jamais de torgnolles sont toujours gentils, polis et aimables. Et à l’inverse, tous ceux qui ont déjà reçu une tape sur la joue sont devenus de gros fascistes. On a vu ce qu’a donné la génération élevée au Dolto. Carlos, déjà. Un gros argument en soi.

- Docteure Emmanuelle PIET, présidente du Collectif Féministe contre le viol

Il fallait bien un collectif pour cela, puisque c’est vrai que c’est un truc tellement accepté socialement. Qui n’a jamais entendu parler de l’ »Association pour le viol avec barbarie » ou du « Rassemblement pour les tournantes« , associations loi 1901 comptant plusieurs milliers de participants. Pour de mystérieuses raisons, les créateurs de ce mouvement se sont sentis obligés de préciser « Féministe« , parce que c’est tout aussi connu, si tu n’es pas féministe acharné, tu es pour le viol. J’attends avec impatience une grande soirée de rassemblement avec le « Mouvement contre les meurtres« , le « Club des gens qui n’aiment pas qu’on leur vole leur portable » et la « Société des amateurs de lapalissades« .

Bref, je vous passe la liste complète des invités, mais diable : quel gratin représentatif de la hauteur des débats ! Tout ça pour souligner ce bien curieux message : les claques et les fessées, ça revient à battre un innocent enfant, et donc, c’est très mal, jamais, nicht, d’où ce clip supposé l’illustrer, ainsi qu’une conférence avec de fameux participants pour l’appuyer.

Mais honnêtement, mettons que je refasse le clip exactement à l’identique, en remplaçant juste le passage où elle renverse son verre par un autre où elle s’exclame « Putain, la vieille, tu crois qu’il va se ramener tout seul sur la table le Nutella ? J’ai aut’ chose à fout’, j’essaie de capturer un Férosinge ! Remue ton gros cul, radasse ! » (voilà une petite fille au vocabulaire certes hardi, j’en conviens). Bizarrement, je ne suis pas sûr que lorsque l’enfant se ramassera une mandale, les gens trouveront ça toujours aussi injustifié. Quoi je caricature ? D’accord, mais qui a commencé ? Vous voulez que je fasse un clip « Les blogueurs qui font des raisonnements caricaturaux ont souvent visionné eux-mêmes des clips avec des raisonnements caricaturaux » ? Dans lequel je renverse mon brandy sur la table du goûter en visionnant leur campagne ? Passons.

En même temps, c'est vrai que c'est Férosinge, quand même

Car ce genre de campagne de culpabilisation a bien évidemment des conséquences. En effet, certains d’entre vous qui me lisent ont décidé d’épouser la belle carrière d’enseignant, et se retrouvent en première ligne avec des enfants qui n’ont pas toujours été cadrés par des parents soucieux de ne pas passer pour de mauvais bougres, et qui donc, ont surtout retenu une chose essentielle : on a pas le droit de les toucher. Rassurez-vous, il existe cependant des solutions simples. Prenons un exemple :

Jean-Bob est un trou du cul. De sa coupe de cheveux à ses baskets flashy, il est une sorte d’allégorie de la bêtise venue s’incruster dans votre classe. Jean-Bob a des parents qui ont peur de passer pour de mauvais parents : aussi ils cèdent à tout, dans le plus grand esprit de la prophète de la non-violence éducative, Françoise Dolto. Jean-Bob a beau être stupide, il n’en a pas moins compris, grâce aux pelletées de clips et documents idiots jamais nuancés qu’on lui a balancé, qu’on n’avait pas le droit de lui faire ceci ou cela. Curieusement, Jean-Bob n’a jamais compris qu’il avait aussi des devoirs. Et ça tombe bien, aujourd’hui, Jean-Bob n’a pas fait les siens.

« Dis-donc Jean-Bob, tu n’as pas fait des devoirs ? Encore une fois ?
- Pffffffff…
- Et on ne souffle pas Jean-Bob ! Ça commence à bien faire ton attitude ; tu ne fais rien !
- Ca va c’est bon, t’arrête de m’agresser !
- Je ne t’…
- C’est bon bâtard vas-y va chier !
- Dis-d…
- Ta gueule, de toute manière, tu peux rien m’faire ! Tu vas faire quoi ? Tu vas faire quoi ? Me punir ?
- Je pe…
- Rienafout’ qu’esse tu crois ! J’viens pas moi faire tes punitions d’merde ! Tu peux t’les fout’ au cul !
- Ça va m…
- Maiiiis tu vas faire quoi bâtard ? Rien ? Alors tu la fermes ta gueule ! T’as pas l’droit d’me toucher j’te dis ! Tiens, j’te nique ! »
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Evidemment, si jamais vous en parlez à la brigade de Fondation pour l’Enfance, ils vous expliqueront que Jean-Bob a besoin d’un bon dialogue et de trouver un adulte en qui avoir confiance. Aussi, quand Jean-Bob ne fait pas ses devoirs, vous devez simplement lui expliquer en quoi l’enseignement est bon pour son avenir tant personnel que professionnel. Rassuré par vos paroles, une relation de confiance s’instaurera avec lui et vous pourrez enfin avancer ensemble alors que vous l’encouragerez dans sa progression. Puis, vous irez vous rouler tous les deux nus dans les champs en chantant les vertus de l’amitié et de la gentillesse. Une fois interpellé nu aux côtés d’un mineur, vous chanterez les vertus de l’amour et du savon à Gunthar, votre compagnon de cellule.

L’autre alternative, c’est le Kagoul-Kommando. Vous et les autres enseignants de votre établissement, notez sur une liste commune affichée en salle des profs les noms des élèves que vous voudriez voir châtiés. Puis, demandez aux surveillants de l’établissement de tous aller surveiller le gymnase un mardi entre 14 et 15h, quand il n’y a pas sport. Confiez alors la liste à des profs qui n’ont pas cours le mardi après-midi : organisés en commando et vêtus de cagoules, ils pénétreront alors l’établissement et iront, classe par classe, défoncer la gueule de Jean-Bob et semblables. Un coup de rangers dans le nez, un coup de batte de base-ball (renommée « Petite Souris » pour sa formidable capacité à faire tomber les dents) dans la gueule, l’introduction d’une éponge servant à nettoyer les tableaux (votre établissement a un petit budget) dans un rectum avant d’humidifier le tout avec le matériel d’arrosage des pelouses, autant de petites joies qui auront moult avantages :

La Petite Souris va venir te voir !

- Jean-Bob et consorts réaliseront vite qu’à chaque fois qu’ils perdent une occasion de se taire, ils perdent aussi des molaires

- Lorsqu’ils iront porter plainte au commissariat, les fonctionnaires seront ravis de voir le petit Jean-Bob qui passe son temps à les insulter venir demander leur aide. Nul doute qu’ils seront zélés dans le traitement de la plainte

- Aux parents mécontents qui demanderont comment un commando a pu rentrer dans l’établissement, vous répondrez que bien que tous vos surveillants étaient présents, vous n’avez pas les moyens de protéger vos locaux pleinement. Le ministère, pour éviter un scandale, trouvera soudain du pognon à vous donner

- Les seuls parents qui retireront leurs enfants de l’établissement seront ceux des chérubins tabassés, faisant de votre établissement un lieu incroyablement fréquentable qui verra donc de nouveaux élèves s’y inscrire, tous disciplinés car vivant dans la peur de la « Petite souris« 

- Lorsque les médias se demanderont si ce ne serait pas un coup monté de quelques profs vengeurs, vous n’aurez qu’à répondre « Vous sous-entendez que des enseignants, fonctionnaires de l’éducation nationale, seraient venus bénévolement sur leur lieu de travail en dehors de leurs horaires payés ? » : votre réputation de fainéants absentéistes fera le reste.

Comme quoi, à tout problème, il y a des solutions. C’en est à se demander pourquoi je n’ai pas été invité à la conférence de presse de cette journée contre les violences éducatives.

Parents, retenez-bien le message : outre apprendre ce qu’est une « nuance » (mot inconnu à la Fondation pour l’Enfance), si vous ne cadrez pas vos enfants, quitte à gifler ou fesser dans certains cas, alors ce sont les enseignants qui pourraient bien s’en charger par lassitude.

Et , vous auriez des enfants battus.

Pensez-y.